1 LES GUERRES DE RELIGION
Après une centaine d'années assez calmes, Patay, Gidy, Huêtre virent arriver vers 1535 des prédicateurs d'une religion qu'ils disaient réformée.
D'importantes communautés se formèrent autour d'eux. Lorsqu'on 1547, le clergé commença à réagir, le protestantisme était déjà fortement implanté dans la
région.
Les documents nous manquent pour connaître le choix des seigneurs de Patay et suivre les événements ; les registres paroissiaux ne commencent qu'en
1570.
L'année 1562 fut certainement la plus tragique de cette époque : les protestants maîtres d'Orléans pillèrent toutes les églises de la campagne, y brisèrent les
images, incendièrent celle de Coinces et beaucoup d'autres.
Ils prirent les prêtres, les attachant à la queue des chevaux et les traînant ainsi, puis ils leur crevaient les yeux et enfin les liaient à un arbre où ils les
arquebusaient.
Seule la paroisse de Villeneuve-sur-Conie, qui avait adopté le protestantisme fut épargnée.
Après la bataille de Dreux (19 Décembre 1562), alors que le prince de Condé essayait avec la reine Catherine de Medicis d'obtenir une paix honorable pour tous les
partis, l'amiral de Coligny se refusait à tout pourparler.
Il réunissait à Patay, le 31 Janvier 1563, son armée dans le but d'aller en Normandie chercher les secours en hommes et en argent que la reine d'Angleterre tenait
prêts au Havre.
Effrayés, de nombreux habitants de Patay se réfugièrent dans l'église et le clocher, les protestants y ayant mis le feu, ils périrent brûlés vifs. Y eut-il d'autres
massacres ou pillages à Patay, il est impossible, faute de documents connus, de le préciser.
2 LE MONDE RURAL
La paix revenue grâce à Henri IV, l'autorité royale affermie, une période de prospérité s'ouvrait pour les
paysans.
Epuisée, ruinée, la noblesse terrienne vendait ses biens et allait se réfugier soit à la Cour, soit à l'armée.
Qu'était devenue la famille des anciens seigneurs de Patay ? A Philippe de Patay cité en 1396, succéda son fils Hector 1er, puis Hector II.
Celui-ci, deux fois marié, n'eut pas d'enfant, c'est son frère Jean 1er de Patay. seigneur de Claireau (Sully la Chapelle) qui hérita du titre de seigneur de
Patay.
Ce titre était partagé avec le duc de Longueville, comte de Dunois. Cette dernière famille était issue du bâtard d'Orléans, le célèbre compagnon de Jeanne
d'Arc.
Le fief de Lignerolles appartenait à une autre branche de la famille de Patay.
Henri IV et Sully s'intéressèrent au monde rural, on connaît la formule célèbre « pâturage et labourage....
». Les paysans ayant vu leurs impôts, charges et droits diminuer de moitié, en profitèrent pour acheter des terres. Les moins fortunés n'ayant
qu'une petite culture devenaient en même temps artisans ou petits commerçants. A côté d'eux se forma une classe encore plus pauvre, celle des ouvriers agricoles.
Dans le bourg de Patay, les marchés du mardi et du vendredi étaient assez animés ; on y vendait oeufs, beurre, volailles, mais surtout des grains. Les principales
mesures de capacité de Patay étaient le muid, le sestier (environ 140 litres), la mine(70 litres environ), le boisseau (environ 12 litres) et la pinte (un peu moins de 2 litres).
La mine mesure de surface était équivalente à la surface ensemencée
avec une minede blé.
Se tenait également un marché aux bestiaux, chevaux, vaches, moutons, place de l'Abreuvoir, (actuellement place Jeanne d'Arc).
Quatre foires avaient lieu dans l'année : le mardi gras, le 27 Juin, le 25 Juillet (Saint Jacques) et le 30 Novembre (Saint André), si l'on y ajoute les deux louées
de la Saint Jean et de la Toussaint, on devine l'animation du pays pour le grand profit des cabaretiers, aubergistes, débits de boissons et autres.
La police était assurée par le prévôt de police, délégué du bailli du Dunois ; il y avait également des placiers et des receveurs de taxes, pour l'utilisation de la
halle et le mesurage des grains. Ces taxes étaient perçues, en général, au profit du comte de Dunois.
3 LA VIE PAROISSIALE
Autrefois, on ne séparait pas la vie paroissiale de la vie sociale.
L'église étant le seul lieu où l'on pouvait rassembler la communauté des habitants, c'est là que se prenaient les grandes décisions.
A l'issue de la messe solennelle du dimanche se réunissaient autour du banc d'oeuvre les principaux notables et de nombreux habitants : le curé, son vicaire, le
prieur, les deux fabriciens de la paroisse, le prévôt de police, l'huissier royal, les deux notaires, les commerçants et artisans et la plupart des chefs de famille.
Tous les deux ans, en décembre, les gagiers, appelés aussi fabriciens, rendaient compte de la gestion financière de la paroisse, puis on élisait de nouveaux
fabriciens qui remplissaient gratuitement leur fonction.
Les recettes étaient les quêtes, la vente des places à l'église, les donations et legs divers. Les dépenses consistaient en l'entretien des objets du culte, de
l'église, du presbytère et des deux cimetières.
Le plus ancien cimetière se trouvait autour de l'église, l'autre était là où se trouvent actuellement la mairie et la poste. Parmi les employés d'église, seul le
bedeau, en même temps sonneur, recevait une rétribution de 24 livres par an.
A tous les autres, fabriciens ou chantres, on offrait, chaque année, un bon repas à la Saint Marc et les jours des rogations, des paquets de bougies à certaines
fêtes ainsi que des gerbes de blé, fruit d'une collecte annuelle.
C'est dans l'église que se discutait la répartition des tailles entre les familles aisées et où l'on élisait le receveur (on disait fermier) des impôts de
l'année.
Celui-ci devait demander à chacun ta somme prévue en argent ou en espèces selon un rôle établi : les réclamations se faisaient lors de la discussion devant la
communauté.
C'est également à l'issue de la messe qu'étaient débattues toutes les décisions à prendre concernant l'entretien des rues et chemins par le moyen des corvées ou de
taxes.
4 UNE CURIEUSE LEGENDE
Selon une légende, le 14 Mai 1610, à l'heure où Ravaillac assassinait Henri IV, une jeune bergère nommée Françoise Gauguyn, fille d'un boucher de Patay, gardait les
moutons aux environs du village.
Le soir en ramenant ses troupeaux à la maison, elle demanda à son père ce que c'était que le roi. Son père lui répondit que c'était l'homme qui gouvernait la France
et qui commandait aux français.
La jeune fille alors s'écria : " Mon Dieu! j'ai entendu tantôt une voix qui m'a dit qu'il avait été tué". Cette légende publiée en 1759 est invraisemblable,
Françoise Gauguyn, née le 11 août 1581, avait alors 28 ans. Il est possible que son neveu, Pierre Dordelot, serrurier à Patay, pour obtenir son héritage, ait été à l'origine de cette légende,
voulant la faire passer pour une sorcière.
Par la suite, Françoise Gauguyn se rendit à Paris où Saint Vincent de Paul l'aida à choisir sa vocation.
Elle prit le voile sous le nom de mère Françoise de la Croix. En 1617, elle était chez les soeurs de Louviers, mais n'y resta pas pour raison de santé. Grâce à la
protection de la princesse Marie de Gonzague de Clèves, elle fonda en 1628, à Paris, place royale, la congrégation des Soeurs augustines de la Charité Notre Dame. Elle mourut à Paris le 14
octobre 1657.
5 LA MAISON DE RETRAITE
Le 28 Mai 1630, les habitants de Patay envoyaient une supplique au roi Louis XIII pour lui demander l'autorisation d'établir à Patay la congrégation religieuse des
Soeurs augustines de la Charité Notre Dame.
Louis XIII, en réponse à la supplique des "manans et habitants de Patay", par lettres patentes datées de février 1631, autorisait cet établissement de religieuses
hospitalières.
L'évêque de Chartres avait donné son approbation le 28 mai 1630. Les deux seigneurs temporels de Patay : le duc de Longueville et le seigneur de Cléreau donnèrent
également leur accord les 16 Mars et 24 avril 1631.
Pour s'installer rue Trianon, les religieuses bénéficièrent de l'héritage de Françoise Gauguyn, puis Suzanne Chapellier, veuve de Jean Savary, bourgeois de Paris,
devenue religieuse, donna 17.600 livres le 24 août 1636.
Gaston d'Orléans fit don de la ferme de la Vallée le 29 août 1638, d'autres dons suivirent.
Louis XIV, en mai 1674, confirmait l'existence de cet établissement, il exemptait les religieuses de tous droits d'amortissement, de fief et autres pour les fermes
de la Vallée, de Gaubert, de terres à Allonnes et au clos Aubry ; l'ensemble représentant 650 arpents de terre (environ 320 hectares) : pour que les religieuses puissent en jouir "pleinement,
paisiblement et perpétuellement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchement". On devine derrière cette phrase les tracasseries financières ou administratives dont les religieuses
étaient victimes. L'acte est signé Louis et Colbert.
La communauté se composait de 4 religieuses, elles devaient accueillir gratuitement et soigner 12 femmes ou filles pauvres, malades, de la paroisse et des paroisses
voisines, leur fournir nourriture et soins jusqu'à parfaite guérison. Les hommes n'étaient admis dans la communauté que le temps nécessaire pour recevoir les soins exigés par leur
état.
6 AU TEMPS DE LOUIS XIV
Le centralisme royal et les guerres de Louis XIV modifièrent profondément la vie rurale et sociale. Cette période fut marquée par un accroissement sensible des
impôts. En quelques années, la taille fut multipliée par dix, puis apparut le vingtième, impôt sur le revenu ; ce qui ne supprimait ni le cens ni le champart payé au propriétaire, ni la gabelle,
ni la dîme.
Un autre fléau dû aux guerres fut la présence des militaires. En 1690, les habitants de Patay nommaient un commissaire chargé du logement des gens de guerre lors de
leur passage.
Egalement, le duc d'Orléans fut obligé de donner des consignes très sévères pour punir ceux qui s'introduisaient dans les fermes.
En 1668, Patay comptait 700 communiants (environ 1.100 habitants), Villeneuve-sur-Conie avait 110 communiants, la Chapelle 120, Péronville 260, Villamblain 400 et
Tournoisis 170.
Henri de Patay, seigneur de Claireau, où il résidait, était descendant de la vieille famille des seigneurs de Patay.
Il eut deux filles : Louise qui épousa en 1668 un d'Ales de Corbet et Marie-Jeanne qui se maria le 6 Janvier 1676 avec Charles de Musset de la
Bonaventure.
Les deux gendres se firent appeler seigneurs de Patay sans y résider : titre honorifique qui financièrement était de peu d'intérêt.
Le vrai seigneur de Patay était le comte de Dunois. Celui-ci avait droit de justice qu'il exerçait par le bailli de Dunois résidant à Châteaudun et un prévôt
demeurant à Patay. Le comte de Dunois disposait également des taxes et redevances perçues sur les foires, marchés et transactions locales.
Le seigneur de Lignerolles, Antoine de Montdoré, qui n'était pas noble, partageait en 1691 avec Pierre Thureau, cura de Villeneuve-sur-Conie, les dîmes de cette
paroisse.
Lors de la formation du diocèse de Blois, en 1697, les paroisses de Villeneuve, la Chapelle, Villamblain, Tournoisis y furent rattachées ; Patay restant au diocèse
de Chartres.
Il y avait à cette époque, rue Trianon, une école de filles dirigée par une religieuse et une école de garçons, avec un instituteur.
7 INDUSTRIE ET COMMERCE
L'élevage du mouton a procuré depuis toujours un certain profit aux paysans. Une petite industrie locale s'était constituée, mais, eut peu d'importance jusqu'au
XVIème siècle.
Le mouton tondu, la laine était lavée, cardée, peignée et filée ; travaux qui pouvaient se faire à domicile et procuraient aux cultivateurs quelques suppléments de
ressources. Le filage, activité essentiellement féminine, ne dépassait pas 10 à 20 grammes à l'heure.
L'apparition du rouet à pédale, au XVème siècle, permit de doubler les rendements.
A Patay, au temps de Louis XIV, 8 à 10 fabricants achetaient la laine, la donnaient à travailler à domicile.
Le fil produit, le tissage se faisait dans des ateliers, le tissu était ensuite blanchi et lavé. On pouvait alors procéder à la fabrication des couvertures, on y
ajoutait un apprêt pour les rendre plus attrayantes pour le client.
Une assemblée des habitants fixait, en 1692, les droits de marque sur les chapeaux fabriqués à Patay : "10 sols pour un chapeau de castor, 5 sols pour un chapeau de
poil, et 2 sols 6 deniers pour un chapeau de laine Caudebec ou autres au dessous". Les couverturiers et autres fabricants payaient également un droit de marque.
Patay étant à l'écart des grandes routes ne pouvait que difficilement épanouir son commerce.
Vers 1740, l'intendance de la province, utilisant le moyen des corvées, fit construire un chemin empierré entre Patay et Saint Péravy pour faciliter le transport
des grains.
Les fabricants de couvertures en profitèrent pour acheter à Orléans les produits nécessaires et y vendre les marchandises fabriquées.
On comptait 22 fabriques de couvertures vers 1788, elles donnaient du travail à tous les habitants valides, il ne restait qu'une quinzaine de vieillards nécessiteux
ou d'invalides secourus par la paroisse.
Autre activité , la meunerie : il existe, quartier de la Butte, un lieu dit les trois moulins, en 1825, on comptait encore 5 moulins en activité à
Patay.
Avec la nouvelle route, les trois foires de l'année, celle du mardi gras ayant disparu, prirent plus d'importance. Outre les activités traditionnelles, on vit
arriver des marchands de quincaillerie, bimbeloterie, forains de toutes sortes et même des bijoutiers.
Faute de documents, il est impossible présentement de connaître la construction des murailles de Patay et leur évolution au cours des siècles.
Lorsqu'on 1755, le duc de Chevreuse, comte du Dunois, donna l'autorisation de démanteler, les murailles étaient de construction récente.
Leurs dimensions invraisemblables vu la population laissent supposer qu'elles servaient uniquement à faciliter la perception des droits d'octroi et à protéger des
loups. Les pierres servirent à rétablir les rues "qui étaient si crevées qu'elles étaient devenues impraticables".
8 LES DERNIERS SEIGNEURS DE PATAY
En 1768, naissait dans le Vendômois Victor Musset. La même année, son père vendait, ainsi que Pierre d'Ales, vicomte de Corbet, leur titre de seigneur de Patay à
François du Clusel. Celui-ci était chevalier, conseiller du Roi, maître de requêtes, marquis de Montpipeau (Huisseau), intendant de la généralité de Tours.
Victor Musset, littérateur, se fit appeler Musset-Patay pour se distinguer de ses deux fils Paul et Alfred*, eux aussi écrivains. Seul ce dernier devint célèbre.
Le principal seigneur de Patay était Louis Joseph d'Albert, duc de Luynes et Chevreuse, comte de Dunois. Etant haut justicier de la paroisse et recevant les droits
perçus sur les foires et les marchés, à la veille de la révolution, il fit construire sur une place une halle en bois pour abriter les marchands.